On m’appelle Demon Copperhead
On m’appelle Demon Copperhead
Barbara Kingsolver
Voici un roman qui reprend une trame classique, celle du pauvre orphelin frappé de malchance, et qui cependant va s’en sortir, car il a bon fond et fait autant de bonnes que de mauvaises rencontres. Certes, dit comme ça… et pourtant, pourtant…
Voici surtout un trépidant roman social, qui reprend tous les éléments des drames traversant aujourd’hui la société nord-américaine. C’est un roman joyeux, enlevé, qui parle de la mort, de la drogue, de la misère. C’est un roman grave qui évoque l’amour et la générosité. Barbara Kingsolver produit un roman profondément réaliste, adoptant pour le langage de son personnage le parler rural de la région des Appalaches (et très bien rendu par la traduction). Pour celles et ceux connaissent cette autrice, on retrouve ici ce qui fait le charme de L’arbre aux haricots, une grande tendresse pour l’enfance, sans mièvrerie. On suit le jeune Demon depuis sa vie de fils de mère célibataire toxicomane, à jeune pupille prometteur d’un entraîneur de football populaire, en passant par quelques familles d’accueil désastreuses. Demon a tout du personnage littéraire attachant, une grande candeur, de la gentillesse, et de nombreux ami.e.s et ange-gardiens qui lui permettront de garder la tête hors de l’eau (bien que l’on tremble parfois, puisque le drame est tout de même un ressort narratif puissant : notre héros va-t-il se sortir de cette mauvaise passe ??). Kingsolver est une grande écrivaine, fine observatrice de l’humain dont elle dépeint les vies avec finesse et humour, lisez ce roman pour le simple et bon plaisir d’une bonne lecture.
La postface rappelle que l’autrice a écrit un roman hommage, de fait une adaptation contemporaine de David Copperfield, dont elle reprend la trame et les principales figures, voire le nom de certains personnages. L’éditeur a poussé la chose jusqu’à commettre une couverture qui reprend celle de la première édition du roman de Charles Dickens. Adaptation très réussie et très documentée, où l’autrice alerte, entre autre, sur les ravages des addictions aux médicaments opioïdes (1mg de Fentanyl équivaut à 100mg de morphine…), et rappelle, s’il le fallait, que certaines choses ont hélas peu changé depuis le 19e. L’expression « c’est Zola » usitée pour dépeindre la misère a encore hélas de beaux jours devant elle.
Ed. Albin Michel, 23,90€